Cahier d’acteurs « La fabrique de nos villes »

actualités, Avis à tous, Enquêtes & enjeux, Paroles d’experts, Réseaux & partenaires

06 septembre 2023

Il y a quelques mois se tenait à Nantes le grand débat sur le sujet de la « Fabrique de nos villes« .

Cela a été l’occasion pour Loki Ora d’apporter sa contribution et de parler des bénéfices de la colocation entre seniors au travers d’un cahier d’acteurs aussi disponible sur le site du grand débat.
Nous profitons de ce cahier d’acteurs pour vous partager l’expérience de Paul, Hedwig, Yves, Thérèse, Brigitte, Marie, Frédéric, Annie, Ghislaine, Vololona, Monique ou encore Micheline ; des seniors qui ont choisi la colocation entre seniors version Loki Ora !

Créée en février 2018, l’association Loki Ora est une réponse innovante à la problématique grandissante du logement d’une nouvelle génération de seniors. Elle accompagne les seniors dans leur choix d’habiter notamment au travers de la colocation entre seniors. Grâce à cet accompagnement appelé « Parcours de la colocation », les seniors peuvent mener une réflexion libre sur ce choix d’habiter, s’y projeter, s’y investir, s’y adapter et en profiter. Ce parcours est composé de différentes étapes :

  1. Le café de la colocation pour rencontrer l’association lors d’un temps convivial.
  2. Les ateliers de prévention « Avancer en âge et penser son habitat de demain » où les seniors sont invités à réfléchir à leur parcours résidentiel ainsi que leur habitat de demain.
  3. Les ateliers Découverte de la colocation : 1,5 jours pour découvrir les sujets clés de la vie partagée, rencontrer et échanger avec d’autres seniors et valider son envie de vivre en colocation.
  4. Les ateliers Logement pour rencontrer d’autres personnes dans la même démarche, apprendre à les connaitre, créer son groupe de colocataires et son projet de vie partagée.
  5. Des conseils de maison, animés par une psychologue Loki Ora autour du bien-vivre ensemble, mais aussi autour des questions techniques liés à l’aménagement du logement, les démarches administratives particulières, etc. Il s’agit d’accompagner les colocataires dans leur logement au travers d’un projet de vie sociale et partagée.

Une colocation Loki Ora c’est un logement adapté avec minimum 4 suites privatives (avec chambre, dressing, salle de bain et toilettes), des espaces partagés (cuisine, salon, buanderie, espace extérieur) et à proximité immédiate des commerces et transports.

 

Quel est l’intérêt de Loki Ora?

Le Gérontopôle des Pays de la Loire a publié en avril 2019 une étude sur l’habitat des seniors en Pays de la Loire. En effet, l’habitat est un enjeu clé du vieillissement de la population. L’Insee Pays de la Loire estime que les personnes âgées de 60 ans ou plus représenteront un tiers de la population régionale en 2050, soit 1,5 million d’habitants. Ce rapport nous apprend que chez les plus de 60 ans, 9 personnes sur 10 n’habitent pas en communauté (EHPAD, résidences autonomie). Si le fait de vivre seul à la retraite n’est pas automatiquement synonyme d’isolement ou de difficultés, de nombreuses études scientifiques (Argoud 2004 et Clément 2018) et le rapport 2017 des Petits Frères des Pauvres ont démontré qu’il constituait un facteur d’érosion de la sociabilité et de l’autonomie ; le lien social étant un des trois piliers du bien-vieillir. De plus, le veuvage, le taux de divorce en hausse chez les plus de 60 ans ainsi que l’augmentation des adultes vivant seuls (35% des ménages sont composés d’une personne seule, 38% pour les plus de 75 ans) impactent non seulement la solitude mais aussi le niveau de revenu des ménages maintenant constitués d’une personne seule.

Par ailleurs, se loger lorsque l’on atteint un certain âge devient difficile et les solutions de logements ont peu évolué. Cependant, un logement adapté est au cœur de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. La grande majorité des seniors, sans souci majeur de santé, très occupés la journée, ne se retrouve pas dans les propositions d’établissements dédiés au vieillissement. Loki Ora a la conviction que les modèles de logement pour les seniors sont à réinventer et qu’il faut accompagner les mutations sociologiques à travers un fort volet social ; ce qui participe à la prévention des risques liés au vieillissement ainsi qu’à la préservation de son autonomie.

Actuellement, Loki Ora a créé et accompagne 3 colocations de 4 seniors au cœur du centre-ville de Nantes et de la Chapelle-sur-Erdre, et une quatrième colocation va ouvrir courant de l’été.

Quels sont les bénéfices de la colocation entre seniors et comment le modèle de Loki Ora répond aux besoins des seniors ?

Tout d’abord, une des motivations communes aux seniors intéressés par la colocation est de ne plus être seul, voire d’anticiper l’isolement. Les colocataires l’affirment, grâce aux liens sociaux créés, ils ne sont pas ou plus isolés et ils vivent une solitude choisie. En effet, Les personnes âgées peuvent être affectées par le sentiment de solitude et l’isolement et cela influe négativement sur leur bien-être (Campéon, 2016, Carrère & Dubost, 2018). Par ailleurs, être à quatre permet également de se sentir en sécurité. Le fait de savoir qu’il y a une présence dans leur logement les rassure ; cela peut être « simplement » une lumière aperçue sous la porte lorsqu’ils rentrent le soir. Ils savent qu’ils ne sont pas seuls et qu’en cas d’incident – l’exemple donné le plus récurrent étant une chute – il y aura quelqu’un pour les aider. Ce fût le cas de Thérèse, colocataire à la Chapelle-sur-Erdre, qui a fait un AIT cette année. Ses colocataires ont pu intervenir et prévenir rapidement les secours et de fait, elle ne garde que de légères séquelles. La sécurité est un facteur qui rassure également leur entourage. De nombreux seniors nous ont confié ne pas vouloir « être un poids » pour leurs enfants.

Néanmoins, vivre à plusieurs ne signifie pas tout partager et être tout le temps ensemble. Un des piliers des colocations concerne la préservation de son indépendance et de son autonomie. Être libre de ses déplacements et horaires, pouvoir s’isoler au besoin dans sa suite privative. Comme l’exprime Brigitte, « Vivre en colocation, c’est être entouré mais libre, avec la perspective de réduire les risques d’affronter seul les coups durs ».

Au sein des colocations, l’ambiance est conviviale, ils peuvent se soutenir et s’entraider au besoin – sans devenir des « aidants » -, partager des activités et des loisirs, s’enrichir les uns des autres, découvrir de nouvelles choses, s’ouvrir à l’autre et à la différence (« la colocation est une belle école de la démocratie » selon Paul), s’adapter, mettre en place un « échange de compétences », ne pas se laisser dépérir, (re)trouver un rythme pour se lever, s’habiller, ne pas sauter de repas et manger sainement. Autrement dit, cette façon d’habiter et la dynamique de groupe sous-jacente participent à une stimulation sociale, physique et cognitive du senior, et de fait, à la prévention du vieillissement et d’éventuelles pathologies associées (Labit, 2016).

De plus, la solidarité et la convivialité ne garantissent pas l’absence d’irritants, de tensions voire de conflits dans la vie quotidienne. C’est pourquoi nous avons mis en place les conseils de maison, un temps de 2h organisé tous les mois où intervient une psychologue. Son rôle est d’accompagner et de faciliter la vie collective ; le « bien vivre ensemble ». Selon Paul, il s’agit d’un « cadre où on peut tout se dire, on apprend à échanger entre nous d’une façon qui n’entraîne pas de blocage. On prend l’habitude de se parler, de se poser ». Brigitte témoigne de l’intérêt de ces conseils : « L’accompagnatrice nous apprend à mieux comprendre nos besoins et nos limites. Ce qui nous fait progresser dans nos capacités relationnelles. Ce n’est pas rien d’avoir le sentiment de gagner en aptitude à un stade de la vie où l’on parle plutôt de perte et de déclin ! ». Ainsi, la vie en colocation associée à ces temps de conseils de maison est également l’occasion de développer et/ ou consolider des compétences psychosociales telles que l’assertivité, la résolution de conflits de manière constructive ou encore la capacité à identifier et gérer ses émotions.

En outre, le pouvoir d’agir et de choisir est également au cœur des colocations. Les seniors créent et inventent leur façon d’habiter, leur mode de vie, leur fonctionnement. Ils sont acteurs de leur propre vie, l’association ne réfléchit pas à leur place. Ils choisissent leurs colocataires au travers de notre parcours de la colocation composé de différents cycles d’ateliers. D’ailleurs, avant de construire ce parcours, avec l’aide d’une psychologue sociale, nous avons mené en 2019 une enquête qualitative auprès des seniors nantais afin de notamment pouvoir mieux appréhender et identifier leurs besoins, attentes, motivations et freins. Notre méthodologie d’accompagnement s’appuie sur cette enquête, où deux piliers ont notamment été mis en exergue : outre le besoin d’indépendance, il s’agit de pouvoir choisir ses colocataires.

Par ailleurs, avec l’arrivée à la retraite, le pouvoir d’achat des seniors est réduit. Habiter en colocation signifie partager un logement mais également mutualiser les ressources matérielles et les charges ; pas besoin de 4 machines à laver ou de 4 réfrigérateurs ! La personne âgée peut accéder à un logement plus qualitatif auquel, seule, elle n’aurait sûrement pas accès. Cette forme d’habitat constitue une des réponses possibles à la crise du logement : loger autrement des personnes qui conservent souvent une grande maison ou un grand appartement, afin de loger une famille par exemple.

Partager un logement et mutualiser les ressources et dépenses répond également à des préoccupations et valeurs fortes que nous avons identifiées au sein de nos colocations (présentes aussi chez les seniors intéressés par ce mode de vie) : des valeurs écologiques et environnementales. Par exemple, actuellement, les colocataires adoptent collectivement des comportements écologiques tels que l’installation d’un récupérateur d’eau et d’un composteur.

Pour conclure, la colocation entre seniors est une solution d’habitat qui permet notamment de pallier l’isolement et la solitude, de réduire le sentiment d’insécurité au sein du domicile, de préserver son autonomie, de conserver son pouvoir d’agir, d’augmenter son pouvoir d’achat ou encore d’être aligné avec ses valeurs environnementales. En d’autres termes, développer les colocations entre seniors, c’est favoriser le bien vieillir à domicile (Labit, 2016) !

—–

Retrouvez le cahier d’acteurs en version pdf sur le site du grand débat  « La Fabrique de nos villes » de Nantes Métropole

ICI

↑ retour aux actualités